Avocat au Barreau de Marseille

Quand la Ministre du Travail vient au secours de Sodexo pour licencier un délégué CGT gréviste

11-07-2016

A Marseille, à l’approche des dernières fêtes de fin d’année, une vingtaine de chauffeurs livreurs de Sodexo a osé demander une augmentation de salaire. Pire, ils ont eu le malheur de poursuivre quelques heures une grève débutée la veille. La réaction du leader de la restauration collective ne s’est pas fait attendre : convocation de chacun d’eux par huissier de justice à un entretien préalable de licenciement, mise à pied à titre conservatoire puis licenciement pour faute lourde sans aucune indemnité.

Cette affaire a naturellement suscité une émotion légitime dans l’opinion publique dans la mesure où la France n’avait pas connu d’atteinte aussi grave au Droit constitutionnel de grève depuis l’épisode tragique des mineurs en 1948.

La résistance s’est alors organisée : un grand mouvement de protestation organisée par la CGT s’est intensifié tandis que la multiplication des recours en justice ont fait craindre à SODEXO de sévères condamnations.

SODEXO a été alors contraint de reculer et d'accepter la réintégration de la majorité des grévistes licenciés à compter du 1er février dernier.

Mais SODEXO s’est obstiné à vouloir licencier l’un d’entre eux : Yvon, le délégué du personnel et par ailleurs, militant CGT.

Une autorisation de licenciement a été alors sollicitée auprès de l’Inspectrice du travail, laquelle s’y est opposée fermement au motif que le délégué avait simplement exercé son droit constitutionnel de grève et n’avait commis aucune faute, au demeurant.

SODEXO a exercé alors un recours hiérarchique devant la Ministre du travail : autrement dit, l’entreprise a appelé à la rescousse le Gouvernement socialiste dont chacun sait désormais qu’il prête une oreille attentive à toutes les doléances du grand patronat français.

Au prix d’une motivation succincte, d’une multitude d’inexactitudes dans le déroulement des faits et d’une kyrielle d’erreurs juridiques, la décision de la Ministre du Travail est intervenue le 27 juin 2016 : le licenciement du délégué est autorisé.

La Ministre doit être certainement heureuse de ce coup double : satisfaire l’un des premiers employeurs privés français et faire payer au syndicat CGT sa résistance au projet de loi qu’elle porte à bout de bras contre une opinion publique majoritairement hostile.

Pour Yvon, la réalité est toute autre : 22 ans d’ancienneté, deux heures de grève et licencié définitivement pour faute lourde.

Un recours en annulation à l’encontre de la décision du Ministre sera déposé devant le Tribunal administratif de Marseille dans les prochains jours.